La Chatte Libre n'aime pas les expressions molles

La Chatte Libre

Une Polo dans la peau

25 novembre 2011 par MMM

Place de la République, Paris : un petit chaperon vert se promène, insouciant. On ne se promène jamais insouciant Place de la République. On peut. Mais « on » meurt souvent quand il essaie. Quoi qu’il en soit et autant que faire se peut, le chaperon vert pose un pas devant l’autre, paisible, crocs rangés, poings dans les poches.

Passage cloutés. Le feu devient au rouge. La confiture du trafic s’épaissit. Les Polos jouent des coudes, se sentent le derrière pour gagner quelques centimètres comme s’ils avaient le temps.

Ecervelée petite dame verte, emmitouflée dans son manteau, voit un bonhomme fluo, tout pareillement vêtu, clignoter de l’autre côté. Au signal, c’est parti : une Converse sur le pavé, puis voilà l’autre pied.

« Monsieur, le feu est rouge », prévient-elle légèrement. « Connasse ! ». Grand dieu, il n’avait pourtant pas une bouche à connasse cet insignifiant trentenaire doté de ses deux W. Mais si mais si : « connasse ». Plus mignon que « salope », pas cute cute, mais passons. Détour par l’arrière, une petite tape sur le cul de la Polo pour marquer le coup. Attention au coup de sabot. Jusqu’ici, tout va bien.

Hum… tout va bien dans le manteau vert ! Du côté du trentenaire, ça voit rouge, ça maugrée, ça insulte.

Cette fois, c’est mérité : « C’était rouge connard ! Et quand c’est rouge, il ne faut pas avancer. ça ne sert à rien, ça fait chier tout le monde. T’es énervé parce que je l’ai tapée trop fort, elle a bobo ta Polo? »

Inconsciente, provocante, voici la monnaie de ta pièce :

« RRRRRRPOUA ».

Les poings serrés dans les poches, les mandibules crispées, le petit chaperon avait pourtant choisi de suivre son chemin. Ignorée la voiture bleu blanc rouge à quelques mètres. Pas de pensée impure. Objectif brassière à tenir, go to Go sport.

C’était quoi ce bruit? Oh putain, non… il n’a pas osé. Manteau retourné en éclair. Rien, mais vision périphérique qui repère un crachat en phase chute à quelques centimètres. Regard grave de deux mineurs à la casquette renversée.

Quelle tâche. Il m’a ratée. Courroux, détermination : demi tour.

Préparation : humidification buccale. Trois pas. Fenêtre ouverte. Le niais ! En pleine face. Pas mal pour un premier mollard social.

Entre temps, le chaperon vert est devenue une « salope ». Qu’à cela ne tienne. Elle espère que sa grippe est restée logée dans ses sécrétions de salope.

Le connard. Il ne quittera pas sa Polo qu’elle que soit son envie. Sa Polo, il l’a dans la peau.

Elle le sait et poursuit sa route. Les poings sont sortis. Le rouge aux joues, les larmes aux yeux. La peur aussi, un peu. Les deux casquettes retournées la félicitent : « Bravo Madame, ça se fait pas franchement. Faut pas se laisser faire ». Ils la suivent, aimantés. Elle doute de son mérite face à cette gloire inespérée.

Halte devant Habitat. Coup d’oeil à la voiture bleu blanc rouge. De quoi le faire frissonner au fond de son kangourou : encore une mission pour « Super connasse ».

Course jusqu’à la Polo. Elle n’a pas bougé. Pas la moindre avancée.

Un chaperon salope regarde le véhicule en face, à trois mètres, droit dans les yeux. Elle note sur le revers de la main les quelques chiffres de sa gourmette. Pas discrètes les gourmettes de Polo, un truc auquel les connards devraient penser.

Petit coup d’oeil sur le visage blanc, immobile. Petit salut de la main. Sourire.

Sourire d’angoisse, sourire de honte. Le petit chaperon vert n’aime pas cracher.

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